29.5.13

Mud

La semaine dernière, j’ai vu un film vert, marron et beige, piqué de reflets scintillants comme un grand fleuve américain : Mud - sur les rives du Mississippi.

Jeff Nichols prend acte d’une disparition : celle, annoncée, du mode de vie associé aux berges du Mississippi. Son point de vue ne se veut pas nostalgique, mais il observe une sorte de charnière, et il construit son film autour d’elle. Par répercussion, tous ses personnages sont au bord de quelque chose – je veux dire : pas seulement au bord de l’eau. Pour le figurer, aux confins de l’enfance, il y a des adolescents : Ellis et Neckbone. Il y a aussi "Mud", qui pour être officiellement adulte, n’en est pas moins en transit. La boue ("Mud"), qui lui donne son nom, évoque cet état meuble et intermédiaire (entre la terre et l’eau). Il s'y embourbe, elle s'immisce jusque sous ses ongles. Ce personnage est fait de boue.



Mud retient l’attention. Il a une belle façon d'apparaître au début du film. On remarque d’abord des traces de pas, près de la coque du bateau d’Ellis et Neckbone. Les deux garçons les suivent sur le rivage, pour se laisser surprendre par leur interruption quelques mètres plus loin. "Où est-il passé ?" Ellis se retourne : un homme a su apparaître à leur insu, en l’espace de quelques secondes, à côté de leur bateau. Aucun mystère ne sera levé. Le fantastique fait donc cette irruption singulière, dans un film qui verse par ailleurs du coté d’un certain réalisme. C’est que la réalité qu’il désigne inclut la disparition dont j’ai parlé plus haut : les familles désertent leurs maisons flottantes pour rejoindre la ville. Or, la disparition est aussi un phénomène privilégié du fantastique – que celui-ci corrèle volontiers avec son contraire : l’apparition.


Mud de Jeff Nichols (2012)
source : www.dailymotion.com
(captures d'écran)

Au départ, la présence de Mud n'est signalée que par ses empreintes ; et celles-ci vont témoigner de sa disparition, avant même qu’il n’apparaisse. Le binôme disparition/apparition structure le film dans son entier, et tout particulièrement le personnage de Mud. On apprend donc qu'il est en cavale. Il se cache sur cette île, il fuit les regards : de ce point de vue, il cherche à disparaître. En le voyant évoluer à l’écran, on se demande où, quand et comment il va finir par apparaître (aux yeux de sa dulcinée, de ses proches, et de ce monde qui le traque). Pour nous y inviter, à chaque fois qu'Ellis va le rejoindre sur l’île, Mud se laisse un temps chercher du regard. Il ne dort jamais au même endroit ; il n’apparaît jamais exactement là où on l’attend.

J'ai fait disparaître mon dernier paragraphe (ci-dessous) parce qu'il raconte la fin du film. Je laisse à ceux qui ont vu Mud, le soin de le faire apparaître.

Dans Mud, on n’apparaît pas quelque part sans disparaître ailleurs, et (c’est là l'optimisme du film) on ne disparaît pas quelque part sans apparaître ailleurs. La première apparition de Mud sur le rivage, et cette histoire de traces qui disparaissent juste avant, sont les clefs du film. De tout son long, celui-ci raconte l’apparition de Mud (la vraie), ce qui suppose sa disparition dans les eaux du fleuve. Car suite à cette disparition, le dernier plan montre bien Mud en train d’apparaître, devant le Golfe du Mexique (là où le fleuve, et l'image, disparaissent ensemble). Et tout se passe comme s’il apparaissait tout de bon cette fois, comme si l’on n’avait jamais fait que suivre ses traces jusqu’ici. D’ailleurs je suis sûre qu'il ne s'appelle pas vraiment "Mud".


20.5.13

Johannes Gumpp par lui-même

L'Autoportrait (1646) de Johannes Gumpp représente le peintre au travail, vu de dos. Face à lui se déploie l'appareillage que suppose l'autoportrait : un miroir octogonal à gauche, et le tableau en cours à droite. Chacun nous renvoie une image du peintre. Johannes Gumpp a réalisé deux versions de cet autoportrait : une version rectangulaire et une version en tondo. La seconde me touche davantage que la première. 

Autoportrait  de Johannes Gumpp (1646)
source : www.galerie-creation.com
(image recadrée)

Je reste muette, depuis plusieurs mois, devant elle. Associée à cette configuration tricéphale, la rondeur du cadre (le tondo) pose les conditions de la circularité. Mais le circuit du regard qui se dessine-là, accueille un décrochement, une sorte de discontinuité. Je veux dire : ce circuit n'est pas fluide. 

Et pourtant, mon esprit doit bien admettre qu'il n'y voit pas d'erreur. A gauche, le miroir laisse entendre que le peintre pose ses yeux quelque part, à sa surface ; à droite, le portrait nous regarde, ce qui est logique : lorsque le le peintre peint les yeux de ce visage, il se réfère à ceux qui se dirigent droit sur lui lorsqu'il les observe dans le miroir. Or, la direction du regard d'un portrait par rapport au spectateur est absolument invariable, quelque soit le point de vue de ce dernier - voir les études de l'université de l'Ohio >> ici. La situation est donc parfaitement normale. Mais elle tracasse mon œil ; et je pense que l'esprit ne doit pas laisser laisser l’œil en plan. 

J'ai relu, en passant, l'analyse d'un autre tableau : celle des Ménines de Velázquez par Michel Foucault, qui introduit Les Mots et les Choses. Johannes Gumpp a peint son autoportrait dix ans avant que Diego Velázquez ne réalise Les Ménines ; on y voit aussi un peintre au travail, un miroir, et des regards. Gumpp choisit déjà, je crois, de "représenter la représentation" au prix d'une disparition de son sujet (il se peint lui-même, sujet de son tableau, de dos). 

Par ailleurs, le tableau de Gumpp et celui de Velázquez sont différents à plusieurs égards. Par exemple, celui de Gumpp est beaucoup plus intimiste. Gumpp se peint en train de se peindre lui-même ; et outre les animaux qui se chamaillent dans son dos, il est absolument seul. Si cette toile devait tenir un discours, l'artiste en serait sans doute le cœur. Gageons qu'en se montrant dans cette situation et selon de telles modalités, Johannes Gumpp nous donne sa définition (visuelle) du peintre en activité. 

Il apparaît très clairement que ce qui définit le peintre pour lui, c'est le regard. Johannes Gumpp aurait pu faire en sorte que son reflet et son portait soient absolument identiques, pour mettre en avant sa virtuosité - ce qui est presque le cas avec la version rectangulaire de cet autoportrait. Il n'en est rien ici : les visages reflétés et portraiturés ne regardent pas du tout dans la même direction. Au prix d'un certain trouble, c'est sur le regard du peintre que Johannes Gumpp attire l'attention, et non pas seulement sur son savoir-faire technique.


L'analyse de ce regard particulier suppose sa subdivision en trois. On voit trois peintres sur la toile, chacun étant doté d'un regard propre. 

1) Le premier nous est caché : c'est celui du peintre vu de dos. De ce point de vue, l'artiste tourne le dos au monde qui l'entoure. Le premier regard de l'artiste, c'est celui qui fait abstraction des aléas qui pourraient perturber son activité.

2) Vient ensuite le peintre reflété dans le miroir. Ses yeux sont dirigés vers le peintre vu de dos, c'est à dire vers l'invisible dont il se propose d'être l'image. Le second regard de l'artiste, c'est celui qui voit ce qu'on ne voit pas, et qui en témoigne. 

3) Le troisième regard, c'est celui du portrait. Ce regard-là se dirige droit sur moi. Ce regard-là, c'est la raison, la cause finale du tableau de Gumpp. Ce que regarde l'artiste, par le biais de sa peinture et de tout le dispositif qui la sous-tend, c'est donc le spectateur. 

Le regard qui définit l'artiste selon Johannes Gumpp pourrait être la synthèse de ses trois regards : un regard qui se soustrait du contingent, qui se dirige vers l'invisible, et en dernier ressort, vers le spectateur. Entre le peintre et son image, le dialogue n'est pas fermé :  le circuit du regard est ouvert, sur l'invisible d'une part, et sur le spectateur de l'autre. 


Or, le spectateur ne partage pas l'espace-temps du peintre. Le peintre est, dans un espace et à un instant donnés, pris dans un lacis de circonstances (incarnées par le chat et le chien qui se disputent au premier plan). Le spectateur est ailleurs, et surtout après. Voilà sans doute pourquoi le circuit du regard disjoncte quelque part, entre le peintre qui tourne le dos au tohu-bohu qui l'entoure, et son portrait qui nous scrute ouvertement. Il y a une brèche, un décalage, un interstice : il correspond à ce qui sépare le peintre du  spectateur. Et ce qui nous sépare de Johannes Gumpp, c'est du temps. Mais je crois qu'il a trouvé le moyen de nous regarder quand-même. 

12.5.13

Le terrain et les bâtisseurs

Jeudi 2 mai dernier, l'Univers (Lille) programmait Roms d'ici, le film de Thomas Dumont dont j'ai parlé sur ce blog, ainsi que Le Terrain de Bijan Anquetil, un autre documentaire tourné dans un campement. 

Bijan Anquetil a suivi la vie d'une communauté de Roms, depuis son installation sur un petit terrain à Saint-Denis, jusqu'à son expulsion un an plus tard. Comme l'indique le titre de son film, la question du lieu est, toujours, cruciale ; elle se fait le soutènement d'une société vivante. En l’occurrence, cette société est celle de remarquables bâtisseurs. Tout au long du film, on voit les Roms recueillir, construire et préserver, à la fois matériellement et humainement. A la fin, l'image d'un tas de gravas au beau milieu du terrain dépeuplé, atteste d'un pouvoir extérieur et contraire, du pouvoir de démantèlement qui neutralise leur travail.

Ce film a été projeté dans le cadre du festival international du film documentaire ("Cinéma du réel") le 25 mars 2013. Les propos de Bijan Anquetil, retranscrits dans le journal du festival, sont instructifs. 


Bijan Anquetil dit que les Roms ne sont pas un "sujet". Il insiste sur la dimension politique de cette position. Comment comprendre cela ? Le Terrain n'est pas un film "sur" les Roms. D'ailleurs par bien des aspects, il échappe aux tendances explicatives, ou expressionnistes dont on peut faire preuve quand on traite un sujet. Bijan Anquetil ne soumet pas un sujet à son regard, fut-il analytique ou indigné. Les Roms ne sont donc pas assujettis. Le point de vue de Bijan Anquetil s'est plié à leur volonté (finalement, au lieu de suivre les ferrailleurs comme prévu, il est donc resté avec les femmes sur le terrain). Le montage est subordonné au fil de leur vie quotidienne, ainsi qu'à l'évolution du rapport qu'ils ont entretenu avec le cinéaste, et avec l'objectif. En somme, en aménageant leur milieu devant/avec l’œil de la caméra, les Roms ont aussi construit le film.



Dans mon souvenir, Le Terrain s'ouvre sur des plans plus ou moins généraux de la ville de Saint-Denis. On pourrait y voir un élément de contextualisation (ici géographique), qui n'est pas loin d'être le seul, d'ailleurs. Sauf que de telles images vont aussi clore le film, après celle des gravas auxquels sont réduites les constructions des Roms, au bout d'une année. Si sommaire soit-il, un tel choix de montage me paraît signifiant.

Tout au long du film,  l'entretien et l'engendrement des relations humaines entre les Roms, la tresse des liens sociaux au sein de leur communauté, répondent à l’aménagement des lieux, à l'édification des abris à partir de matériaux de récupération. Le domaine de l'architecture, et même de l'urbanisme (puisqu'ils construisent-là une petite ville), s'articule solidement à celui du sociétal. Dès lors, les vues aériennes de la ville de Saint-Denis, en pleine mutation urbanistique depuis l'inauguration du Stade de France, nous parlent évidemment de notre société. D'un espace résiduel à l'autre, les Roms sont pris dans ce dédale qui moutonne d'indifférence, et resserre son étau sur le champ du possible.

Le Terrain de Bijan Anquetil (2013)


Certains cinéastes sont un peu urbanistes sur les bords. Ceux auxquels je pense spontanément sont surtout de grands monteurs, impliqués dans les avant-gardes des années 1920 : il y a Dziga Vertov, par exemple. La ville est un agencement de blocs spatio-temporels, auquel le film superpose le sien, par l'opération du montage. A première vue, on se dit que Le Terrain n'est teinté d'aucun constructivisme, tant l'intervention de Bijan Anquetil se fait discrète. Le cinéaste semble vouloir laisser advenir le réel. Mais entre le début et la fin du film, c'est à dire entre deux plans de Saint-Denis en grands travaux, il creuse l'interstice, il réserve un "terrain" (filmique) durable et sensiblement élargi, pour permettre à quelque chose de se construire. 

8.5.13

La mêlée des regards

Dans le sport, autour du sport, s'organise tout un réseau de regards. Il y a d'abord le regard des sportifs : je suppose qu'ils l'utilisent de mille façons pour prendre l'ascendant sur l'adversaire. Il y a aussi le regard de l'arbitre, qui veille au respect des règles et éventuellement les interprète, dans l’intérêt du jeu. Il y a le regard des spectateurs qui sont sur place, guidé par le dispositif architectural  : le stade, les gradins... et parfois les écrans géants (on y vient). Il y a le regard des téléspectateurs, lui-même profondément infléchi par un regard tentaculaire : celui de la télévision avec son armée d'yeux (cadreurs, réalisateurs, journalistes, commentateurs) mobilisés dans le but de retransmettre et d'analyser l’événement sportif. Derrière le partage du visible et le jeu des regards dans l'espace social, Michel Foucault voyait se tramer une distribution des pouvoirs. Depuis que je l'ai lu, quand je regarde un match à la télévision je ne peux plus m'empêcher de voir l'autre : le match des regards, qui se voit comme le nez au milieu de la figure.

Le football, sa retransmission et son analyse télévisuelles sont sans doute particulièrement exemplaires. Mais le sujet me semble complexe - j'espère avoir un jour quelques idées sur la question, quitte à en passer par le domaine du rugby. Le rugby présente beaucoup d’intérêts pour la néophyte que je suis : le jeu lui-même m'est quasiment illisible, en revanche, les enjeux liés aux regards qui se nouent autour du jeu, sont faciles à identifier et à cartographier.  En effet, les schémas mentaux, la structure et la nature des relations qui président à l'ordre rugbystique, sont à ciel ouvert. On le doit à l'atmosphère particulière qui règne autour du rugby, à ce que les membres de cette sphère appellent "état d'esprit", ou parfois même "philosophie", et qui consiste à amarrer la pratique de ce sport à tout un ensemble de valeurs : respect, sagesse et transparence... de fait, ils abordent vite des questions qui dépassent le cadre du jeu stricto sensu, avec une candeur si touchante qu'elle donne envie de convoquer Jean-Jacques Rousseau. 

Paradoxe : cette éthique qui se veut intrinsèque au rugby, ne l'empêche pas de s'offrir en territoire d'expérimentation privilégié, pour quelques dispositifs techniques et médiatiques à la pointe. La notion de "transparence", que je trouve très problématique, est avancée ici encore. Mais voilà qui décuple l’intérêt du rugby comme sujet d'étude. La dernière de ces innovations est donc cette "caméra-arbitre" (ou "ref cam") venue de l'hémisphère sud, utilisée pour la première fois en France le 30 mars dernier, à l'occasion du match entre Toulon et le Stade Français diffusé sur Canal+. Le principe est simple : il s'agit d’atteler une caméra frontale sur la tête de l'arbitre, en vue de ponctuer la retransmission d'espèces de plans  "subjectifs arbitre". La télévision profite ainsi de la position privilégiée de l'arbitre (sur le terrain), et de ses indéniables compétences (il a tendance à se placer intelligemment, et à regarder là où il faut). Elle obtient une image assez spectaculaire à moindre frais, qu'elle vend à grands renforts de slogans quand-même un peu bizarres (non ?) : "vivez le match dans la peau de l'arbitre". 

Vue de la caméra-arbitre de Canal +


Je suis d'autant plus impressionnée par ce coup de maître, qu'il ne fait l'objet d'aucun débat (pour le moment) - passons sur le fait que France 2 hésite à l'adopter, pour des raisons de sécurité. La Poste, partenaire des arbitres, se félicite  de "l’émergence d’outils technologiques permettant de mieux appréhender la fonction arbitrale" et Romain Poite, l'arbitre du match du 30 mars, se dit très favorable à l'utilisation de cet outil. Certes, la caméra en question ne fait qu'allonger la liste des machines de capture greffées sur le corps de l'arbitre (micro, émetteurs, cardio-fréquencemètre, GPS). Mais tout ceci témoigne bien du fait que l'arbitre est devenu le point de cristallisation de tous les regards, et notamment du regard télévisuel. Cela me semble très symptomatique. Le silence à ce propos, est d'autant plus assourdissant. 

L’arrivée de l'arbitrage vidéo avait pourtant fait parler de lui. Il était question de la valeur de l'image comme preuve, ainsi que de la marge d'interprétation des règles et de la subjectivité de l'arbitre qui demeurent, dans le monde du rugby, remarquablement respectées - mais cela ne tient plus qu'à la bonne volonté des joueurs et des spectateurs : le dispositif télévisuel crée les conditions d'un déclassement du statut de l'arbitre. Outre que l'on peut s’inquiéter du statut de référence que s'arroge l'image vidéo dans certaines situations d'arbitrage, la question pour moi se situe aussi, et surtout, autour de la distribution des regards. Qui regarde quoi et pourquoi ? Qui montre quoi à qui ? Il n'y a pas de caméra strictement dévolue à l’arbitrage sur un terrain de rugby. L'arbitrage vidéo, c'est un "arbitrage télé" qui ne dit pas son nom. Le quatrième arbitre regarde des images télévisuelles, celles-là même que la télévision montre au téléspectateur. Le rôle délégué à la télévision dans l'affaire, n'est pas négligeable. Et accessoirement, depuis 12 ans le téléspectateur a bien accès à ce que voit le quatrième arbitre, au support de son appréciation. Finalement, la caméra-arbitre vient incarner un phénomène déjà daté. 

Il est encore admis, je crois, que le regard de l'arbitre doit rester souverain. Dans cette perspective, il ne serait pas aberrant que ce regard et celui de la télévision demeurent clairement distincts, symboliquement et techniquement : leurs intérêts respectifs ne se recoupent pas en tous points. C'est bien une question de pouvoir, car il se trouve que l'arbitre est une figure de pouvoir. Son pouvoir s'exerce sur le jeu de façon autonome, pendant que la télévision exerce le sien. Ce n'est pas un contre-pouvoir, mais un pouvoir parallèle, alternatif, et qui incidemment, peut avoir un impact décisif sur le spectacle télévisé. J'entends parfois qu'un arbitre peut "tuer le match", c'est dire. Je crois que cela suffit pour crisper le dispositif télévisuel. Cette araignée de télé est donc en train de saucissonner l'arbitre dans son dispositif, de s'immiscer dans son œil,  d'instrumentaliser son regard, d'en faire l'objet d'une analyse toujours plus fine, l'objet constitutif de son spectacle. 

Encore une fois, je suis très surprise par la rareté (l'absence) des réactions, du côté de ceux qui aiment le rugby. La mêlée qui m’intéresse pour ma part, celle des regards, se joue sans arbitre et sans règlement ; et il y a des brèches qui s'ouvrent. Sous couvert d'une "collaboration" entre les instances arbitrale et télévisuelle en faveur de cette "transparence" plus qu'équivoque (les moins dupes savent bien que le rugby doit désormais rivaliser avec le football sur le terrain du spectacle), la télévision et le téléspectateur peuvent donc désormais se mettre "à la place de l'arbitre" (sic). Ce n'est pas anodin - et pourrait inquiéter quelques vieux sages, s'ils prenaient le temps de replacer cet état de fait dans son contexte Star Académicien.